Une rétrospective sur David Seymour est proposée à Bruxelles au Musée Juif de Belgique du 29.10 au 27.02.2011 avec l’aimable soutien de l’agence Magnum Photos.
Regard humaniste sur le monde, Robert Capa décrivait son compagnon avec ces mots : « C’est lui le vrai photographe ! ». Son autre ami Henri Cartier-Bresson ne pesait pas ses mots en stipulant que « Sans lui Magnum n’aurait jamais existé ». Deux phrases qui en disent long sur l’importance de David Seymour dans l’histoire de la photographie.
La particularité de David « Chim » Seymour
Déjà en 1932, travaillant pour le magazine de gauche Regards, David Seymour parvient à imposer sa vision humaniste dans les reportages qu’il propose à la rédaction. Ses photographies donnent un visage aux revendications des grévistes, des manifestants et des dirigeants du Front populaire.
Lorsque Franco lance un coup d’Etat qui plonge l’Espagne dans une guerre civile sans précédent, Chim sera l’un des premiers photographes sur place. Loin de l’action, David Seymour reste à l’arrière et dénonce le sort des petites gens. Il décrit le quotidien de la vie sur place en proposant des photographies très humaines.
Après la défaite des républicains en Espagne, il va accompagner les fugitifs qui trouvent exil au Mexique. De part ses photographies, il va soutenir les paysans, montrer la vie de la population sans voyeurisme.
L’un de ses plus grands reportages, à mon sens, est une prise photographique dans l’Allemagne qui se reconstruit après la guerre : un couple qui cultive un potager au pied du Reichstag en ruines, des scènes de la vie quotidienne et le procès des anciens chefs du camp de concentration de Buchenwald. Ce reportage porte le nom de We went back.
En 1948, pour l’Unicef, il accepte un reportage sur les conditions de vie des enfants en Pologne, Hongrie, Autriche, Italie et Grèce. Il offre un regard attendri, plein de compassion et humain sur cette génération victime de la deuxième guerre mondiale. Il se rend dans des camps de réfugiés, sanatoriums, hôpitaux, orphelinats, écoles ou crèches. Chim va essayer de comprendre tous ces enfants et va se placer à leur hauteur pour permettre au spectateur de partager leur univers et leur vision du monde.
David Seymour est touché par la misère des enfants. Il saisit la détresse de Teresa qui a grandi dans un camps de concentration en Pologne par exemple. La photo ci-dessous met en avant le regard de cet enfant qui témoigne de tous les souvenirs qui la hanteront à jamais.
Dans les années 1950, David Chim Seymour va se séparer des lourdeurs de la guerre. La société est en phase de mutation et les populations veulent rêver d’autre chose. Chim va alors à la rencontre des personnalités naissantes telles que Sophia Loren, Audrey Hepburn ou Kirk Douglas. Loin des photographies banales, David Seymour va s’installer dans leur intimité avant de réaliser les portraits et c’est par cette démarche qu’il va présenter l’être humain qui se cache derrière la star.
Avec la mort de son ami Robert Capa en 1945, David Seymour est très affecté par cette nouvelle. Il s’investira corps et âme dans l’agence Magnum. En parallèle, il retournera sur le terrain en photographiant la Grèce mais son coeur se tournera vers Israël. Juif de naissance, Chim se réjouit de la création d’un Etat juif. Il s’y rendra chaque année avec le désir de témoigner de cette nouvelle réalité. Il relatera l’immigration, l’intégration et la vie quotidienne de ces colons.
David Seymour parle longuement avec ses interlocuteurs avant de les mettre sur pellicule. Le contact humain est la base de l’humanité qu’il fait transparaître dans ses images. Il se tournera vers les plus vulnérables tels que les ouvriers, vieillards, femmes et enfants.
Sa vie s’arrêtera en 1956 en Egypte. Il réalise un reportage sur l’affaire de Suez et tombe sous les balles d’un soldat de Nasser. Il se préparait à réaliser un reportage sur un échange de prisonniers après la signature du cessez-le-feu.
Qu’avons-nous à y apprendre ?
Le Musée Juif de Belgique propose une exposition remarquable. Je me suis surpris à ressentir une véritable émotion en observant le reportage commandé par l’Unicef. Enfin une photographie qui rend une dignité aux protagonistes mis en scène. J’y ai ressenti l’humanité et le respect de l’autre. Cela est très important à mes yeux.
Notre société s’enfonce de plus en plus en loin dans le voyeurisme malsain. Le sensationnel, les images chocs, une banalisation de la gravité des images couplées à la surabondance engendrée par le numérique dénaturent complètement l’Homme. Evidemment, la généralisation n’est pas de mise mais de plus en plus nos images sont vides de compassion.
La collaboration entre la commissaire d’exposition Andréa Holzherr et Magnum Photos est très profitable. Entre les images, j’ai pris le temps d’observer les différents témoignages papiers proposés dans les vitrines ou une inspection minutieuse du Leica de Chim.
Les textes explicatifs sont courts et vont à l’essentiel. Loin des grandes phrases, les écrits donnent une véritable dimension aux images et au contexte historique. La lecture est donc indispensable à la compréhension de l’oeuvre.
Cette exposition est donc une réussite à mes yeux et il me paraît inconcevable de la rater si vous passez sur Bruxelles.