Lorsque le talent d’un photographe est évalué en fonction du prix de ses tirages, c’est le principe même de l’utopie photographique qui est remis en cause.
Entre amalgames, argentique, vidéo et argent, où est la véritable essence de la photographie dans tout cela ? Toute la question est là !
La lecture du bloc-notes de Jean-Christophe Béchet, rédacteur du magazine « Réponses Photo », est devenu un moment que je savoure chaque mois à la même date. Photographe et journaliste, Jean-Christophe sait poser un regard sur les enjeux photographiques et le monde artistique qui l’entoure. Il partage ses observations mensuelles à la page 148 de « Réponses Photo ». Un régal !
Jean-Christophe Béchet pose un regard caustique, nostalgique, humain mais en phase avec la réalité de la photographie aujourd’hui.
La photographie dépassée sans la vidéo ?
Un politicien français a déclaré en juin 2010 : « Vous êtes encore à l’argentique. Passez à la vidéo ! » Jean-Christophe est parti de cette phrase pour étayer une évidence encore inconsciente : la modernité incarne la vidéo et non la photographie numérique. Non pas que la photo pixelisée soit devenue ringarde mais l’avenir semble être dans la vidéo. Enfin c’est ce que les grandes industries et leurs services marketing ont réussi à installer dans nos inconscients.
« … Bientôt ce ne sera plus seulement les photographes argentiques qui seront désignés comme rétrogrades, mais aussi tous ceux qui ne seront pas passés à la vidéo… » Et l’essence de la photographie dans tout cela ?
Lorsque le talent ne provient plus de l’artiste mais de celui qui a le plus gros cachet
Jean-Christophe Béchet met le doigt sur une évidence : l’évaluation du talent d’un photographe est synonyme de salaire. Il fait une similitude entre l’état du football et la photographie contemporaine. Cette même photographie devenue privée, ces images privatisées et publicitaires. Où est passé le panache, la passion qui ne parle pas d’argent ?
Le mercato des photographes
Le microcosme de la Photographie (avec un grand P) est devenu affolant. Là où dans les sphères des « Artistes » et riches collectionneurs, on évalue le talent au prix des tirages, là où le photographe doit se faire sélectionné par un curateur, là où il faut une préface écrite d’un personnage reconnu. Et la photographie dans tout cela ?
Jean-Christophe Béchet porte un regard sur les règles régies par le marché comme des recruteurs dans les écoles football du tiers monde. Les agents organisent les transferts, ventes aux enchères, achats, alimentation du buzz autour du poulain pour faire augmenter les prix.
Les prix indécents
La photo d’art dépasse des sommes astronomiques. L’indécence qui se résume au montant du chèque. Les millions de dollars qui vont aux marchands et aux ayant droits car les photographies qui se vendent les plus chers appartiennent à des gens morts. De plus les courants et les tendances sont choisies dans l’ombre à l’abri des regards.
Et les photographes utopistes tels que moi, où se situent-ils dans tout cela ?
Bonjour,
Intéressant mais plutôt qu’une dérive de l’utopie de la photographie, n’est-ce pas tout simplement un reflet du glissement des valeurs de notre société (l’argent et les people au détriment de l’humanisme et du talent) ?
Bonjour Lemerou,
Ta réflexion est très pertinente. Plus qu’une utopie, il est vrai que les valeurs ont changé. Cela a engendré un système d’argent et de dérives. Cela joue immanquablement sur l’utopie de la photographie et de la relation des photographes avec leurs photographies.
Je profite de ce mois riche en exposition sur Paris et visiter ces marchands d’art photographique. Si la vidéo est présente à la biennale de Venise, la Fiac, un peu Art Paris, rien de tout cela à Paris Photo, encore moins d’art « conceptuel » hors de prix à la Bellevilloise et Photo Off. Au contraire, j’ai rencontré Johann Soussi et son début de série sur la communauté juive orthodoxe parisienne.
Point d’utopie, pas de « représentation idéale et sans défaut ».
Et puis il en faut pour tout le monde. De Lagerfeld à la MEP, cette orientation « bling bling », un terme encore un peu à la mode et des images qui fait réver les adolescentes et le Paris mondain.
Alors l’avenir dans la vidéo ? Au delà de l’évolution technologique, et la photographie en profite pleinement, il reste encore et toujours des amateurs de photographies qui peuvent être émues d’une image et une seule, sans succomber à la dynamique forcée d’une vidéo.
La photo d’art ne dépasse pas des sommes astronomiques comparativement à l’art pictural, loin de là même si le pékin moyen n’auras jamais la possibilité d’acquérir la photo de ses rêves.
Bien à vous
Ta réaction Fx est judicieuse. Evidemment, cet article n’est pas la pour stigmatiser un mouvement, un art, un chemin. Il est justement écrit pour permettre des réactions bienvenues telles que les tiennes. Il veut favoriser le débat par son ton un peu accusateur. Cela fonctionne et j’en suis content.
Comme dans tout débat qu’il soit social, culturel, économique et politique, tout est à mesurer et rien n’est vraiment blanc ou noir. La vie est un perpétuel gris où toutes les nuances sont possibles.
Je pense que la vidéo envahira doucement la photographie. Il y aura les grandes réactions des galeries qui se tourneront dans le mouvement ou montreront leur dos au phénomène.
La photographie coûte chère, peut-être pas comme l’art pictural, mais nous y arriverons doucement. Il faudra du temps mais nous y arriverons.
Je te remercie de ton commentaire qui nuance le tout et qui permet d’élargir le débat. Rien n’est jamais blanc ou noir évidemment.
A bientôt.
Bonsoir, c’est beau les utopies, c’est comme la poésie on peut dire que ça ne sert à rien, mais la vie est quand même drôlement plus belle avec! Et puis rien n’arrête une idée, comme une graine, elle peut rester endormie tapis dans un coin et germer pour devenir un arbre lorsque les conditions lui sont propices.
Je pense que la photographie gardera toujours son propre language, et donc son intérêt. La vidéo est un magnifique et puissant média mais c’est une autre grammaire, si l’on peut dire, pour raconter une « histoire ».
Un jour, un ami m’a cité kafka: « Le regard ne s’empare pas des images, ce sont elles qui s’emparent du regard. Elles inondent la conscience. » Je pense que la photographie a ce pouvoir, je doit être un utopiste…
Bonjour Kris, les utopies sont là pour que nous puissions avoir un but à atteindre je pense. Ton commentaire est judicieux et rafraîchissant 🙂