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Révélateur Microphen Ilford ou comment pousser une pellicule à 3200 iso ?

Introduction

Depuis quelques semaines, je me suis lancé dans un reportage photographique qui me demande un traitement poussé de mes pellicules HP5+. Originellement vendues à 400 iso, je suis obligé de les pousser à 3200 à cause des conditions de lumière de ce reportage. Alors que choisir comme traitement pour réussir au mieux le développement de mes pellicules ? Quel révélateur choisir pour pousser mes HP5+ d’Ilford ?

Comme dans le monde culinaire, la photographie argentique connaît de nombreuses recettes personnelles et familiales. Pour ma part, comme tout bon débutant, je me suis tourné vers les photographes que je connaissais ou via les réseaux sociaux. La photographie et son traitement sont un univers de mille et une recettes où chacun pratique un peu à sa sauce. Certains préfèrent le grain marqué, d’autres privilégient le contraste,… Vous l’aurez compris la tâche est parfois ardue de se retrouver parmi les expériences personnelles.

Travaillant en HP5+, je me suis tourné vers les révélateurs de la même firme : Ilford. Ce choix fut encouragé par deux photographes français de ma connaissance. En parcourant les prospectus d’Ilford et, plus particulièrement, de la HP5+, j’ai regardé attentivement la notice de la pellicule.

L’analyse du tableau proposé par Ilford est relativement simple. Deux choix m’étaient conseillés : une solution liquide (Ilfotec DD-X) et une solution en poudre (Microphen). J’ai privilégié la deuxième car je n’avais jamais travaillé avec ce type de produit.

En examinant ce tableau, je me suis tourné vers le critère : Meilleure qualité générale de l’image selon l’indice El 3200 et la sensibilité maximum du film. Le Microphen est conseillé ainsi que l’Ilfotec DD-X pour la solution liquide. Si vous regardez bien, il est stipulé Microphen (Réserve). La réserve est importante car, une fois la préparation effectuée du produit, vous ne devez pas la couper avec de l’eau. Vous devriez donc travailler avec le litre que vous aurez préparé.

Préparation Microphen

En 2011, je m’étais posé la question de cette préparation auprès du photographe Laurent Coignet. Celui-ci m’avait répondu par écrit. Voici les conseils qu’il me prodigua et que j’ai suivi lors de ma première préparation.

La préparation est très simple. Ce révélateur en poudre se présente sous la forme de deux sachets : A et B. On mélange la poudre dans à peu près 70 cl d’eau chaude, entre 45 et 50°, successivement sachet A puis sachet B On agite, puis quand la poudre est suffisamment dissoute pour qu’on ne la voie plus, on complète avec de l’eau froide jusqu’à obtenir un litre.  Cette solution sera prête à l’emploi lorsqu’elle ne comportera plus ni bulles d’air ni particules en suspension.

Je laisse reposer une heure avant usage. Certains conseillent d’attendre plus longtemps.  Ce qui est certain est qu’une dilution inachevée et non reposée (bulles et particules non diluées) donne un développement hétérogène.  Cette dilution d’un litre est ce qu’on appelle la solution « Réserve ».

Usage de la solution « Réserve »

Elle peut s’utiliser pure ou diluée (1+1, 1+2, 1+3).

  • Pure : on la réutilise plusieurs fois, en allongeant le temps après chaque nouveau film, pour compenser l’épuisement progressif du révélateur. La règle à appliquer est donnée dans les docs des fabricants. En moyenne, allongement du temps de 10% à 15% par film supplémentaire, et solution considérée comme épuisée après 10 films.
  • Diluée : La solution diluée ne doit être utilisée qu’une fois. Le temps est alors allongé (voir tables de développement). Plus la dilution est importante, moins le contraste du film sera fort, et plus les nuances des gris moyens seront étendues et subtiles.

La préparation est utilisable 6 mois dans un flacon bien fermé et hermétique à la lumière.

L’augmentation de 10 % du temps à chaque utilisation

Je pars du principe que vous utilisez le même film durant la procédure et cela 10 x. La notice de la pellicule HP5+ propose un temps de développement de 16 minutes à 20° avec du Microphen. Pour développer mes films, je suis parti de cette base.

Pour les temps, ce sont ceux que j’ai utilisés et qui m’ont donné un bon rendu. La température est de 20°. J’augmente de 10% le temps d’exposition des films après chaque film. Pour faire vos calculs, partez du principe que 16 minutes = 100%. J’utilise le principe de la TVA pour mes calculs. Exemple : si je dois augmenter mon temps de 10 %, mon temps passera de 100 % à 110 %.

1er film : temps normal proposé par Ilford : 16 minutes.

2ème film : augmentation de 10 % : (16 min : 100) x 110 = 17,6 —> Cela signifie un temps de 17 minutes et 6/10 minutes. 6/10 de min = 36 sec. Le temps de développement sera de 17 min et 36 secondes.

3ème film : augmentation de 20 % : (16 min : 100) x 120 = 19,2 –> Cela signifie de 19 minutes et 2/10 de min. Le temps de développement sera de 19 min et 12 sec.

4ème film : augmentation de 30 % : …. ect….

Lorsque vous atteindrez le 10ème film, celui-ci sera le dernier. Vous obtiendrez donc une augmentation de 90 % du temps de départ.

La préparation du Microphen en quelques photographies

Le Microphen est composé d’un sachet A et B

Je mets 70 cl d’eau dans une casserole à 40-50°

Je verse le sachet A dans mon eau chaude. Je dissous le produit en tournant dedans.

Je verse le sachet B du Microphen dans ma casserole

Je tourne pour dissoudre la poudre du sachet B

Le sachet B est bien dissout

Ensuite, je verse de l’eau froide pour atteindre 1 L. Je laisse reposer le Microphen « réserve » au minimum une grosse heure.

Iphonographie : développement à la créativité ou produit de consommation ? (Partie 5 – Conclusion)

Cette partie aura l’utilité de proposer une première conclusion face à l’iphonographie. Elle n’apportera aucune réponse mais proposera peut-être de nouveaux questionnements face à ce média photographique de plus en plus présent dans nos vies.

Il faut garder à l’esprit que quelque soit l’outil utilisé, celui-ci ne remplacera jamais une véritable démarche photographique.

Iphonographie : facteur de créativité ?

A la première approche, il convient de dire que les applications apportent un rendu assez bluffant. Un premier contact fait sourire et on se prend vite au jeu de notre « nouveau jouet ». Cela est esthétique, coloré et le plaisir est au rendez-vous.

Après plusieurs utilisations, les nombreux effets peuvent devenir une tare, un bagage encombrant qui essaie d’imiter un rendu argentique. C’est assez amusant de se dire que cette photographie portative, technologiquement en train de rentrer dans nos vies comme une évolution numérique, essaie de revenir au fondement de la photographie argentique !

Comme chaque outil ou logiciel de retouche, les premières envies sont d’exagérer les effets. Cela transforme donc votre cliché en une image pesante aux effets répétitifs. La chance des applications aléatoires peut réserver de bonnes surprises mais il faut rester honnête, la chance ne vous permettra pas de créer une véritable série cohérente qui fera de vous un photographe.

Photographie à mon domicile

Je trouve que l’exemple de Damon Winter est une bonne première référence. Dans l’article précédent, nous avons découvert le travail de ce photographe qui a utilisé un iPhone et l’application Hipstamatic pour réaliser un reportage sur les soldats américains en Afghanistan. Les photographies sont justes et les effets pas du tout exagérés. Il a travaillé les rendus avec parcimonie et savait au préalable comme utiliser son outil !

Cette notion de connaissance de son appareil et de son application me semble primordiale pour entrer pleinement dans votre créativité. Obtenir des rendus de Polaroid ou créer des effets de panoramique sans un quelconque cadrage ne sont que de la poudre aux yeux et ne vous fera pas du tout avancer dans votre vie de photographe. C’est comme si un professionnel de la photographie de mode arrive pour une séance photo avec des modèles sans connaître son matériel et ce qu’il désire avoir comme rendu.

L’aléatoire n’a qu’un temps. Une connaissance de son matériel et une véritable démarche pensée font la différence avec l’utilisateur occasionnel. Tout le monde peut prendre des photos mais tout le monde n’est pas photographe.

Il faudra passer par le réglage de l’application pour que celle-ci puisse donner une photographie au rendu maximum

Toute la panoplie du créateur est devant vous alors où est l’originalité ?

L’iphonographie est avant tout un endroit où prime l’imitation et la (sur)consommation. Il ne faut pas se leurrer avant d’être un outil, c’est avant tout une nouvelle manière de dépenser son argent.

Dans un premier temps, les multiples applications nous promettent et nous font croire que nous sommes de véritables photographes / artistes.

D’un point de vue technique : Est-ce que copier une manière ou un rendu serait-il une véritable source artistique ? Ce débat existe depuis l’invention de la photographie. Deux écoles s’affrontent entre les puristes du « On ne retouche pas ! » et ceux qui se disent « Que la retouche existe depuis la naissance de la photo tant qu’elle reste au service d’une démarche« .

Et c’est là que le bas blesse car la grosse majorité des photographes ne sont que dans une imitation d’un rendu. Avec un logiciel de retouche, nous pouvons dire que le photographe est encore maître de ses retouches mais lorsqu’une application réalise tout ce cheminement à notre place, comment différencier nos rendus des autres ? Comment donner notre patte à un cliché pour qu’il soit un reflet personnel ? Comment reconnaître X de Y au final ?

Série « Depth of Field » – David Guttenfelder

La démarche et le cadrage feront de vous de vrais pionniers photojournalistes ?

Je pense que le noeud est ici. C’est en pensant sa démarche et jouant sur son cadrage que la différenciation se fera par rapport à la masse grouillante des utilisateurs lambda.

Comme cité plus haut, Damon Winter est un exemple. Utilisateur d’un reflex, il a choisi son iPhone au service de son reportage car sa démarche voulait être dans le quotidien des soldats. Son iPhone lui a permis de les suivre, de les photographier sans que ceux-ci soient en alerte chaque fois que le journaliste sort son gros reflex. Les rendus sont contrôlés par l’auteur avec une teinte verdâtre uniforme à la série.

David Guttenfelder est un autre exemple que l’outil est au service d’une véritable démarche. Il a réalisé un reportage en Afghanistan depuis 2001 et utilise à certains moment un iPhone et un unique filtre Polaroid. Sa série iphonographie se nomme « Depth of Field« .

Cadrage et réflexion doivent être au coeur de l’iphonographie ?

Les outils et les rendus sont identiques pour tout le monde mais c’est l’angle d’attaque visé qui permettra de sortir des millions d’imitations sans intérêt que l’on retrouve à la pelle.

En observant le travail de Damon W. et David G., les rendus ne sont pas exagérés. Ils ne sont pas poussés au maximum et ne sont pas décalés. Les effets choisis sont sobres tout en apportant une petite touche légère. Par contre, les séries photos sont véritablement pensées et les clichés entre dans une phase narrative propre au photojournalisme de qualité.

Et pour les photographes qui ne sont pas journalistes ?

Je pense que l’iphonographie est à portée de tous. Réaliser une série pensée n’est pas une chose en soi difficile. L’accessibilité des outils ne signifient en rien qu’ils sont des jouets inutiles.

Une série cohérente n’est pas synonyme de photojournalisme. La création d’une vision sur les heures de pointes dans les métros européens ou dans son quotidien est une idée parmi des millions d’autres.

Qualité ne rime pas avec quantité. Même si nos clichés sont attachés à un sentiment, nous devons faire des choix pour que nos photos se parlent entre elles pour gagner une nouvelle force. Mais ce débat n’a plus rien à voir avec l’iphonographie au final !

Une mode ?

Le rendu de l’iphonographie dépend des applications utilisées. Tout comme le Holga ou le Diana, je crains que le rendu des clichés nous lasse avec le temps. Comment sortir de ce cycle ? C’est là que l’on devra être créatif !

Dans un effet de mode, ce sont les premiers qui tapent au bon moment qui seront mis en valeur. Après, le risque est d’être déjà démodé. Après réflexion, cela devient démodé quand nous situons notre travail dans la construction d’une mode mais dans une démarche personnelle peut-on parler de mode photographique ?

Le regard et la démarche priment sur le matériel utilisé. Pour construire une démarche, il faut du temps et de la patiente. Le matériel ne remplacera jamais l’oeil du photographe.

Philippe Reale – Application IncrediBooth

Les différentes parties proposées dans ce dossier