Archives pour l'étiquette Rencontres Photographiques d’Arles

Deux manières de percevoir la photographie documentaire

La photographie documentaire et le photojournalisme ont des perceptions très diverses et variées. Chaque définition est propre à chaque photographe. Cela peut se jouer sur des subtilités comme sur une transcription entièrement différente. Lors des Rencontres Photographiques d’Arles 2011, deux agences avaient été invitées pour parler et confronter leur propre vision du métier de photojournaliste. J’avais eu la chance d’être présent lors de cette « confrontation » d’idées entre l’agence VII et le collectif Tendance Floue.

La vidéo que je vous propose est une mise en relation entre le point de vue Bertarnd Meunier (Tendance Floue) et Franco Pagetti (VII) autour la vision que ces deux regroupements se font du monde photographique.

Manifeste  » From Here On ?  » ou la nouvelle culture photo ? : partie 4

L’expansion que prend Internet dans notre réseau créatif est indéniable. Télécharger, copier, coller, scanner et ensuite imprimer sont devenus des actions simples faisant partie de la vie de tous les jours. Dans un autre registre que la photographie, l’exemple est tel que dans l’industrie du téléphone, le smartphone de la compagnie Windows est critiqué car il n’intègre pas l’aspect copier/coller. Pour vous dire, oh combien, ces habitudes informatiques sont devenues des mécanismes de vie.

Thomas Mailaender / Manifeste « From here on » / Arles

Les Rencontres Photographiques d’Arles 2011 ont mis l’accent cette année sur ces aspects où même la notion d’appartenance d’une image n’existe plus, où copier/coller/prendre sans demander pour recréer est devenu monnaie courante,… C’est dans ce bain bouillant de millions d’images qu’est né le Manifeste : « From Here On » (A partir de maintenant).

Manifeste d’un concept

Manifeste « From here On » / Arles 2011

5 commissaires d’exposition, 36 photographes à qui ce concept donne le nom pompeux d’Acteurs de la seconde révolution numérique. C’est en ces termes que m’attendait  l’exposition à l’atelier mécanique expo n°20 aux Rencontres Photographiques d’Arles.

La genèse de ce travail part du constat que l’extrême échange qui s’est établi au fil du temps entre l’art et la culture populaire. La réappropriation d’objet comme le Dada, Pop Art ont éprouvé le principe même de la réappropriation d’un objet pour le transformer en autre chose. Le pas semble donc facile à réaliser : Est-ce que la réappropriation d’une photographie pour la transformer en autre création fait-elle partie d’un acte artistique ?

La question tournant autour de la photographie reste le droit d’auteur. Ce Manifeste met l’accent sur les dérive de la réappropriation et le culte omniprésent des images à portée de main. Dans un monde où le pouvoir virtuel de la mise en ligne de nos images est fort, comment garder les droits sur une photographie qui n’est plus un objet réel mais bien un ensemble de pixel complètement virtuel et ouvert à tout le monde ?

« From Here On » veut mettre l’accent la révolution d’Internet au même titre que l’essor des procédés d’impression photomécaniques dans les années 1910-1920 qui a favorisé l’apparition du photomontage.

Deux facteurs semblent renforcer le terme d’appropriation digitale :

  1. L’hyperaccessibilité aux images des autres qui sont pour nous de véritables inconnus.
  2. La banalisation de l’appropriation des images via « Enregistrer sous… », Google Images, le « télécharger » de facebook ou des réseaux sociaux par exemple. Pour aller plus loin, même Google Earth ou Google Maps se sont vus utilisés comme nouvelles ressources artistiques.

Ces deux points précédents offrent une dévalorisation pour l’auteur mais propose un nouveau terreau construit autour de :

  1. L’appropriation d’images qu’offre Internet très facilement
  2. L’édition
  3. La transformation, le déplacement, l’ajout,…
  4. La réinterprétation des images d’origine.

« Et si on suicidait nous-mêmes les auteurs ? Quelqu’un a-t-il une corde ? »

L’exposition met en avant un point essentiel qui est celui de la valorisation des amateurs tout en faisant dépérir l’image du véritable auteur. Cette conclusion qui est banale finalement touche de plus en plus des secteurs très divers comme le photojournalisme par exemple (pourquoi envoyer des photographes alors que nous pouvons avoir des images d’une catastrophe en directe grâce au téléphone portable ?).

Je trouve que le Manifeste met en avant un point qui me semble essentiel et dans lequel je me sens concerné. Le sens profond des « artistes » montrés à cette exposition n’est plus de montrer comme des héros les professionnels qui ont un savoir-faire mais bien la mise en avant des passionnés qui pratique leur passion avec force.

Je trouve que le paragraphe précédent est vraiment fort dans sa maturation philosophique. Il suffit de regarder un peu tous les photographes que l’on retrouve sur le web, ceux qui ont un compte « pro »sur Flickr, les artistes qui ne se seraient peut-être pas lancés dans une activité secondaire photographique si le numérique n’existait pas. Il suffit de voir les magazines de qualité en ligne ou les podcasts qui supplantent les radios Fm par exemple.

Cela est d’autant plus véridique quand on voit des photographies papier d’artistes confirmés qui battent des records lors d’enchères et que les photographes utilisant le web ne sont même pas pris en compte par la pseudo-élite des arts de l’image. Le fossé se creuse dans les arts entre ceux qui sont confirmés et font partie de la sphère de l’élite et tous les autres.

Aram Bartholl / Map, Good Time Public Art Festival, Taipei, Taiwan, 2010

Quelques exemples que l’on trouve à l’exposition

  • Aram Bartholl : Il met en scène dans la réalité le principe d’onglet que l’on retrouve sur Google Maps et Earth.
  • Nancy Bean : Elle a mis une caméra au cou de son chat et prend des photographies ou des petites séquences filmées. Série : « Cat Cam ».
  • Martin Crawl : Série mettant en scène un légo dans des anciennes photographies en arrière plan.
  • Cum* : Série vidéo qui met en scène des filles qui dansent dans leur salon. « Girls / Room / Dance ».
  • Constant Dullaart : Performance vidéo où l’auteur se filme avec une pancarte ovale où il est inscrit DVD. Il veut reproduire l’économiseur d’écran d’un dvd.
  • ect…

Sous une autre vision de « From Here On »

Après un grand tapage autour de ce manifeste qui se veut révolutionnaire mettant au coeur de la créativité des images réutilisées sur le net sur le net par des artistes, je ne peux que dire une chose : mais qu’est-ce que c’est que cette bêtise ? Même si un aspect existe, pourquoi encenser l’art du copier/coller de Google Images ?

Alors, j’arrête tout de suite, ceux qui me montreront du doigt en philosophant sur l’art (« Peut-on dire qu’un concept artistique est bon, beau ou laid ? » par exemple) ou en me disant que je fais un procès d’intention injustifié, je leur répondrai : « From Here On« , c’est une masturbation conceptuelle comme on en retrouve autour des film de « grands auteurs » lors du festival de Cannes. « Quel chef d’oeuvre ! », « Quel génie ! », « Quelle vision futuriste d’un art en devenir ! »…

Je simplifierai ce Manifeste en une phrase. « From Here On« , c’est un acte artistique où l’artiste va sur Google images, prend l’image, la retravaille avec d’autres images ou la fait entrer dans un concept grossier mais pensé au préalable. Le Manifeste dit ceci :

Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un oeil, un cerveau, un appareil photo, un téléphone, un ordinateur, un scanner, un point de vie.

Je trouve cette exposition clairement fainéante face à de nombreux photographes inconnus plein de talent. Les commissaires ne sont pas nés de la dernière pluie et ils s’attendaient à ce que leur bébé soit mal perçu. Tout est marqué dans le Manifeste même un soupçon de défense face à la critique.

Nous créons plus que jamais, parce que nos ressources sont illimitées et nos possibilités infinies.

Autre analyse de « From Here On »

Je pourrais continuer ma réflexion mais je vous invite à lire de manière minutieuse un blog que j’affectionne particulièrement et qui propose une véritable réflexion autour de cette exposition qui pour ma part est plus que mitigée… : Le blog Littérature 2.0

De Gunthert / Salle d’exposition / Arles

Les différentes parties proposées dans ce dossier sur « Les Rencontres d’Arles 2011″

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30 ans d’images avec le New York Times Magazine à Arles : partie 3

Ryan McGinley / Jeux Olympiques d'hiver

S’il existe bien un anniversaire autour du photojournalisme, c’est bien celui du célèbre New York Times Magazine. Alors, je ne ferai pas celui qui a défendu ce fruit artistique et journalistique car j’ai vraiment découvert les choix éditoriaux, la vision novatrice de Kathy Ryan (directrice photo de la revue) et la narration par l’image lors des deux expositions proposées aux Rencontres Photographiques d’Arles 2011.

Le choix iconographique ou le défi que s’impose chaque jour le New York Times Magazine

L’exposition principale présentée à l’Eglise Saint-Anne est d’une richesse photographique et journalistique pour plusieurs raisons. Le plus intéressant de ces aspects restent celui mettant l’accent sur la face cachée du processus de création vers l’idée qui sera ensuite une page imprimée. Nous sommes bien loin des belles images accrochées sur un mur mais bien dans un envers du décor qui veut former un tout avec les images proposées.

Au quotidien, des histoires se passent chaque jour. Le rôle de l’équipe composée de cinq iconographes participant au service photo du « NYTM » est d’essayer de les illustrer avec une approche variée, originale. Tout le défi est de sortir des sentiers battus et des images que l’on retrouve dans tous les magazines, journaux, revues, sites Internet ou réseaux sociaux qui font le tour du monde.

Les questions sont multiples et les débats fusent bien évidemment. Faut-il apporter un portrait en studio, faut-il se tourner vers une approche documentaire, doit-on privilégier une photographie conceptuelle pour mettre en avant l’idée ou bien utiliser un studio avec des costumes ?

Kathy Ryan définit le style du magazine comme un défi autour de l’inattendu, l’originalité, la simplicité tout en restant intelligent avec un brin de provocation.

Il faut que l’image ait un sens, mais surtout, et toujours, une humeur.

Une petite parenthèse sur l’idée philosophique que prône Kathy Ryan

Cette couverture montre la force des choix photographiques du New York Times Magazine

J’ai suivi la conférence du 8 juillet 2011 traitant de  » La photographie peut-elle faire vendre des journaux en 2011 ? « . Lors du débat, Kathy Ryan a expliqué sa philosophie qu’elle a instaurée dans le « NYTM » en quelques points très intéressants. Par exemple, elle privilégie et donne une chance à la jeunesse photographique. Cela peut sembler fou mais les grands noms de la photographie que l’on retrouve dans le NYTM ont été découverts bien avant leur célébrité comme Paolo Pellegrin.

Un autre point qui me semble vraiment essentiel est de lancer des photographes dans des domaines qu’ils ne connaissent pas. Exemple : prenons le sujet des Jeux Olympiques d’hiver. Sujet devenu presque banal visuellement car toutes les images se ressemblent. Pour couvrir un tel évènement, Kathy Ryan a préféré envoyer un photographe spécialiste du portrait en lui demandant de réaliser une série documentaire. C’est un risque payant car ce photographe va se lancer dans un genre dans lequel il n’excelle pas et donc ne produit pas des stéréotypes d’images communes. La série sur les Jeux Olympiques est fabuleuse et le pari est réussi.

La force visuelle du New York Times Magazine est l’originalité et d’autres exemples sont venus ponctuer le débat mais que je ne citerai pas ici.

En me permettant de faire une petite parenthèse, Kathy Ryan avait à ses côtés ce jour-là différents intervenants dont la rédactrice en chef du Monde Mag et celui de Télérama pour ne citer qu’eux. Et c’est là que toute la fracture est visible et que les risques visuels de grands quotidiens français sont ridicules. Je n’ai jamais entendu de la bouche spontanément des directeurs français qu’ils laissaient la place aux jeunes par exemple.

Je ne veux nullement faire un procès d’intention mais le ressenti après conférence est celui-ci : l’orgueil de la vieille Europe est nocive à une presse photojournalistique officielle de qualité. Je prendrai le temps de discuter autour de cette impression dans un futur article plus détaillé.

Le challenge est la clef de tout

 » Nous pouvons passer des heures à choisir une photo de reportage sur le Yémen comme concevoir une image de sport à toute vitesse, ne consacrer que dix minutes au choix d’un photographe comme recommencer vingt fois la prise d’un portrait  » (dixit Kathy Ryan pour l’Edition Spéciale du Le Point sur les Rencontres Photographiques d’Arles).

L’exposition

L’exposition tourne autour de 11 axes qui mettent l’accent sur un projet ou une série parue dans les pages du magazine. C’est l’éclectisme qui est véritablement au rendez-vous.

De plus vous y découvrirez des visuels de la commande effectuée au photographe, des listes de prises de vue, des planches contacts ou des vidéos par exemple. Cette exposition met également l’accent sur cet aspect collaboratif entre tous les acteurs de la genèse de l’idée jusqu’à l’image imprimée et choisie.

Sebastio Salgado / Puit de pétrole au Koweit

Les différentes parties proposées dans ce dossier sur « Les Rencontres d’Arles 2011″

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